Le 36 ème Festival du Cirque Actuel, CirCa bat son plein jusqu’au 27 Octobre. Cette nouvelle page circassienne nous offre des pépites très diversifiées de création contemporaine où la musique électronique et diverses expérimentations scéniques pointues raviront le public. Les spectacles sont jalonnés de questionnements pertinents sur le monde qui nous entoure dans son changement perpétuel sans oublier l’humour et la poésie et souvent la colère. Le public tant familial qu’averti ne restera pas insensible aux diverses propositions de cette édition avec des chorégraphies très innovantes.

 

À Ciel ouvert du cirque Aïtal 

C’est à la caserne d’Espagne, non loin des rives du Gers que l’on découvrira cette compagnie fondée en 2004 pilotée par l’imposant Victor Cathala et l’énergique Kati Pikkarainen venue d’Helsinki. Ce spectacle au langage inventé nous transporte sur une place de village bordée de quelques caravanes et d’une atmosphère rurale.. Ici on se croise, au milieu d’un brasero et d’une étonnante basse cour, où les hommes, assimilés à un troupeau d’ovins, sont ornementés de clochettes. Ici « On est bien, on est ensemble » au milieu des poules essaimant leurs oeufs d’or, de 2 oies ou encore de pigeons graciles flirtant délicatement avec Victor. La frêle Kati mène le bal avec autorité navigant entre exercice de main à main et mât chinois pour nous révéler ensuite une séquence de pole dance. La prestation magnifique et poétique des musiciens Helmut Nûnning et Hugo Piris enchantent tant au niveau sonore que visuel entre contrebasse et violon participant à des séquences acrobatiques très originales. Victor plie sous l’autorité de Kati durant un très amusant cours de développement personnel entre yoga et sophrologie. Ce tableau vivant nous dit peut- être secrètement que ce sont les femmes qui mènent la danse ? En une heure de spectacle on s’attache à cette communauté déjantée et singulière sous un ciel constellé d’étoiles filantes.

 

 

Boîte Noire de la Compagnie SCoM

Un spectacle militant proposé par Coline Garcia qui défend la pensée féministe et ses interrogations justifiées sur une domination masculine pesante.Trois circassiennes et une musicienne traduisent sur scène le travail méticuleux de Coline Garcia et de l’autrice Haïssa Hessou. Toutes deux ont mené auprès de jeunes adolescents(tes) une enquête préalable en recueillant leurs témoignages pour la construction de cette Boîte Noire, témoin de leurs attentes. Ici le sol est parsemé de pièges à loups et les murs drapés d’une figure du David de Michel-Ange, désacralisée par une acrobate s’en servant comme agrès. Est-ce vraiment cette figure de la virilité que les femmes désirent ? Ici on aborde sans détours le questionnement sur la sexualité, le plaisir attendu et pas toujours obtenu. Un diaporama suggestif évoque les codes de l’amour et ce langage que l’on souhaiterait plus équilibrés entre femmes et hommes, détournant le dos à toute forme de domination. Boîte Noire apporte une vision plus juste, déconstruisant les mythes et les contes de fées séculaires qui depuis longtemps se sont avéré obsolètes.

 

 

 

 

Spectacle Brame et rencontre avec Fanny Soriano créatrice de la Compagnie Libertivore

 

La chorégraphe grenobloise dont la compagnie est basée à Aubagne nous propose à l’occasion  de cette édition sa cinquième création qui traite de façon anthropologique les thèmes de l’amour, de la séduction et des rivalités en amour dans un magnifique décor ponctué d’arbres et de mâts chinois. Fanny est une « passionnée du vivant » et des rapports humains exprimés à travers les multiples expressions du corps.

 

 Fanny Soriano:

«  Enfant, le cirque était mon idée fixe. J’ai collaboré à ma sortie du CNAC et réalisé des créations avec Archaos, le Cirque Plume ainsi que d’autres compagnies qui faisaient de grosses tournées. J’ai monté ma propre structure en 2006 avec mon compagnon et créé le spectacle Libertivore. Quand j’étais au CNAC j’ai rencontré un professeur de danse qui m’a révélée à moi- même. Francis Viet avait collaboré avec Pina Bausch et à l’époque j’ignorais totalement qui elle était ! Comme je travaillais en duo sur corde, j’ai trouvé beaucoup de force dan l’improvisation notamment grâce à la danse-contact.Elle permet d’être proche de l’autre autour de mouvements improvisés.

Quel est votre processus de création?

« Je n’écris pas en amont, ce sont plus des images physiques de jeu qui me viennent à l’esprit  . Je crée de la matière en rencontrant les artistes. Dans l’ensemble de mes créations mon univers s’inspire beaucoup de la nature et j’aime cet aspect hybride entre humain et nature « .

À l’ouverture de Brame on est transposé dans un décor à la fois épuré et apocalyptique, quel message vouliez-vous faire passer par rapport à l environnement ?

 » On a beaucoup travaillé sur les qualités de corps des êtres qui vivent sous terre comme les vers et les insectes. C’est surtout mon spectacle Fractal qui évoquait les cycles et le chaos « . 

Certains passages de Brame nous rappelle la dualité des groupes  à la manière de West Side Story …

 » Dans les parades de séduction il y a cette forme de rivalité. Aujourd’hui les battles de hip hop ou de Crump sont aussi des parades de séduction identiques à celles que l’on retrouve dans la nature. Ceux qui perdent et ne sont pas invincibles dégagent une certaine beauté et une fragilité attachante. J’aime parler de ça. Je voulais aussi aborder le sujet de la séduction au niveau du collectif . Avoir des fans auprès d’un groupe ou d’une foule peut être aussi oppressant et dévorant. L’amour peut aussi tuer. Un des danseurs face au groupe nous entraîne vers une animalité des corps un peu violente, nous rappelant une curée de fin de chasse ».

Comment s’est passée la rencontre avec vos 8 interprètes?

« J’ai fait des auditions avec des spécialistes de mas chinois pour exploiter la verticalité du décor J’ai rencontré 25 artistes et j’en ai retenu 8 qui étaient particulièrement à mon univers chorégraphique. Il me fallait des personnalités variées qui représentent la pluralité du monde: des nationalités différentes, des timides ou des extravertis, des corps différents aussi. Ils ont tous une grande technicité, il faut que je tombe un peu amoureuse de mes interprètes. Il y a eu 14 semaines de création ou la scénographie s’est construite au fur et à mesure, je l’ai apprivoisée peu à peu ».

Où irez-vous en tournée après CirCa?

 » On est venu à CirCa pour que les professionnels découvrent le spectacle, on a eu une étape de création au Danemark.Là bas on a ressenti de la surprise et les gens sont aussi très sensibles à l’environnement. Les arbres du décor font 6 mètres de long donc nos déplacements sont limités ».

 

 

Les spectacles étudiants.tes de l’Ésacto’Lido de Toulouse et de la 36 ème promotion du Cnac à Châlons- sur- Saône

La découverte de ces deux promotions a constitué un véritable bain de jouvence et une bouffée de bonne humeur. C’est sous le chapiteau Endoumingue,  installé au milieu du magnifique parc du Couloumé à Auch, que nous avons pu découvrir les créations courtes du spectacle With or Without you. Ce travail de préparation sur 6 mois a révélé au public une vraie tendance en direction du jeu d’acteurs.trices , le tout enrobé d’une bonne dose d’humour et de fraîcheur: jonglage en enfourchant un cheval balai, numéro de fil de fer découvrant une performeuse aux mille tenues épluchées le long de son parcours aérien ou encore un étrange personnage habillé de néons. On en sort souriant et amusé, bravo à ces jeunes talents !

 

 

La 36 ème promotion  du CNAC ( Centre National des Arts du Cirque) nous embarque dans ce qui n’est pas un spectacle de fin d’année mais bien un exercice d’écritures croisées entre cirque et musique électronique. La scène est éclairée de points lumineux où l’on devine les circassiens ramassés autour d’une roue cyr , enveloppés par la musique  électronique envoutante  de la DJ Chloé Thevenin . La  musicienne d’électro nous partage sa création sur mesure pour le CNAC, elle a acquis, entre autres, ses lettres de noblesse en collaborant comme DJ avec l’Elysée Montmartre et le Centquatre à Paris et a co- fondé le label Kill the DJ. Les corps pulsent, certains au ralenti, s’enroulant comme un serpent le long d’une corde lisse, d’autres plus fébriles accompagnant le climax grandissant de la création sonore. Mano Vos aux manettes de sa grande roue en acier virevolte alors que des acrobates font rebondir leur corps comme une balle en caoutchouc ricochant de façon spasmodique sur le sol. La chorégraphie fascine, enrichie par le tempo électronique et le spectacle prend des allures de rave party quand les jeunes talents invitent le public sur scène à la fin du spectacle: on est encore plus pris par le son et la danse durant ce moment fusionnel.

 

 

  Au Fil des Lieux a adoré..

Cécile par la Compagnie flamande Sinking Sideways 

Une plateforme orange et carrée trône dans un décor peint en noir. Xenia Bannuscher, Raf Pringuet et Dries Vanwalle, habillés de gris surligné d’orange,  répètent de façon quasi statique les mêmes mouvements inlassablement. Succession d’entrelacements  du trio sur fond de musique minimaliste.  Au début il faut un peu « s’accrocher », rentrer dans ce jeu évolutif de jonglage humain où s’installent progressivement de nouveaux mouvements chorégraphiques quasi imperceptibles. Le carré orange passe progressivement en mode vertical,  interagissant sur les corps de plus en plus tendus par l’effort demandé. Les mouvements ininterrompus répétés dans une mécanique  minutieuse des acrobates-danseurs qui évoluent sur cette gravité changeante. Le podium nargue le trio au sourire imperturbable accroché sur leurs visages, tel un défi lancé au carré orange qui se transforme progressivement en mur. Ils glissent, s’accrochent, se servent les uns des autres comme point d’appui et se solidarisent plus la difficulté va en s’intensifiant. Nous avons aimé cette approche expérimentale très innovante sur fond de musique répétitive, presque harcelante.

 

 

MurMur de la Compagnie Grensgeval avec Camiel Corneille

 Le public est installé en rond sous le chapiteau Circ où s’aligne une multitude de sacs à dos. L’interprète nous demande de les fixer dans notre dos et se déplace avec de minuscules baffles qu’il dépose devant le public, les remettant au hasard entre les mains de spectateurs. Les sons s’entrecroisent, piaillent, se divisent dans l’espace. Le voyage sonore a commencé : un chat ronronne ici dans la poche de Camiel, un essaim bourdonne plus loin. L’acteur cherche à dompter ce monde sonore: il court, s’allonge et saute, virevoltant avec des sangles aériennes accrochées à 2  imposants hauts parleurs. Parfois le chaos sonore d’une voiture roulant trop vite est suivi d’une accalmie, nos coeurs sursautent et nos mains, où se nichent de petits hauts parleurs, exécutent des gestuelles, à la demande de l’interprète. Des variantes de moulinets se succèdent, des bras se lèvent ou se baissent pour créer différentes strates de sons. Camiel Corneille est liquéfié par cette orchestration à la fois sonore et physique et le public partage avec curiosité son univers sonore. Il vole accroché à ses sangles et virevolte à la façon d’un magicien .

 

 

L’Oiseau-Lignes, une co-réalisation de la Compagnie Rhizome avec l’Astrada Marciac

À quelques encablure de Auch, dans la salle de spectacle de l’Estrada à Marciac, Chloé Moglia, experte de la suspension aérienne, nous invite a partager son duo avec la multi instrumentiste Marielle Chatain. Un duo fait de corps et de craie entre ardoise géante et lignes de suspension: Chloé Moglia a le trait précis au bout sa craie qui donne vie sur fond d’ardoise à de multiples personnages: hommes, poissons et oiseaux. Marielle fait vibrer un poème sonore sur un synthétiseur quand elle ne vient pas contrarier les personnages dessinés à la craie avec d’autres figures. Très vite Chloé nous embarque là-haut dans son monde d’apesanteur sur une ligne brisée et incertaine. L’Oiseau-Lignes a pris son envol, lentement, au ralenti dans une exploration singulière au-dessus du vide. Elle nous donne le vertige, nous transmettant des instants de peur. Chloé déroule des gestes précis, minutieux de façon imperturbable avec la sérénité qu’elle a intégré en pratiquant les arts martiaux. L’effort physique est camouflé avec pudeur, seule sa respiration se mêle aux accents du synthétiseur.

 

 

CirCa c’est aussi…

Des rencontres entre professionnels et avec le public, des conférences. Le tout a été rendu possible grâce à la fidélité de plus de 200 bénévoles que nous n’oublierons pas de remercier !

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36 ème Festival du Cirque Actuel
Du 20 au 27 Octobre 2023  à Auch
Allée des arts- 32000 AUCH
www.circa.auch.fr
Billeterie@circa.auch.fr