Le Musée Magnelli, musée de la céramique, ancien prieuré des moines de Lérins, accueille l’exposition Vallauris, la ville atelier 1938-1962 du 3 Juillet au 31 Octobre 2021. Cet événement culturel traite de la céramique et plus particulièrement de son âge d’or durant les années 1950. Ici la tradition céramiste aurait débuté dès l’antiquité.
Des origines
À l’époque gallo-romaine, on utilisait déjà les importants gisements d’argile de la région pour façonner briques et pots. Mais c’est surtout au XVI ème siècle que se développe une industrie de céramique culinaire très rapidement exportée grâce à la voie maritime. La proximité du port de Golfe-Juan a permis beaucoup d’exportations vers les colonies. En 1862 l’arrivée du train, à son tour, contribuera à la renommée de cette région notamment aux XVIII ème et XIX ème siècles.
Vallauris est traditionnellement une terre de faïence et également de parfum puisqu’on y cultive la fleur d’oranger bigaradier. Cette terre provient de la ville italienne de Faenza en Émilie Romagne. C’est de la côte ligurienne, à Albisola en Italie, que sont arrivés les potiers qui s’installeront ici. On assiste alors à une repopulation de la ville par des familles italiennes.
Au début du XX ème siècle la concurrence de la fonte et de l’aluminium entraîneront une crise de l’industrie à Vallauris et dans les années 30 pratiquement toutes les usines fermeront.
À la fin des années 30, le public manifestera un véritable engouement pour l’artisanat à la période où Paris inaugure le Musée des Arts et Traditions Populaires. Après la seconde guerre mondiale des fabriques comme Foucart-Jourdan,Grandjean-Jourdan et Saltalmacchia, actualisent leurs productions et développent la technique des émaux.
Suzanne Ramié et l’atelier Madoura
Une jeune femme du nom de Suzanne Ramié va fonder avec Georges, son mari, l’atelier Madoura (1938-1997) et donner un souffle nouveau à la création de céramiques. Madoura est l’acronyme des mots MAIson,DOUly ,nom de jeune fille de Suzanne et RAmié. C’est au sein de cet ancien atelier désaffecté du XIX ème siècle, que l’on assiste à un véritable retour à la terre, au sens propre et figuré et à un renouveau de la céramique. Suzanne Ramié va beaucoup s’inspirer de formes traditionnelles dans un premier temps à travers une ligne très folklorique recouverte d’un vernis alquifoux. L’artiste montre une grande capacité à moderniser les formes traditionnelles ( dont la taracle) en travaillant un émaillage sobre et de grande qualité .
De nouveaux arrivants
En 1942 arrive André Baud qui s’établit également dans une usine à l’abandon, avenue Georges Clémenceau. Il affectionnera les émaux au graphisme stellaire. André Baud sera aux côtés de Suzanne Ramié à l’occasion d’une exposition d’artisanat en 1942 à Nice où ils représenteront le stand Vallauris. En 1946, trois jeunes gens,Robert Picault, Roger Capron et Jean Derval, tout juste sortis de l’école des Arts appliqués à l’Industrie de Paris, choisiront de venir à Vallauris pour ses ressources humaines et le savoir-faire de la main d’oeuvre locale. Robert Picault se formera le premier à la technique du tournage à Golfe-Juan. Il développera des oeuvres utilitaires en suivant le slogan » de la cuisine à la table » avec un esprit de designer dont le fil conducteur principal sera la couleur verte. Ses oeuvres en série sont signées R.P alors que son travail personnel est griffé Robert Picault.
Ils développeront à leur tour l’atelier Callis avec des productions très rustiques ornementées d’éléments en relief. Roger Capron s’orientera vers le coulage auprès du sculpteur Sébastien. Plus tard et de façon autonome, Capron se lancera dans la diffusion de ses oeuvres par l’intermédiaire de catalogues de vente. Dans cette émergence d’une nouvelle génération, durant la seconde guerre mondiale, le peintre-céramiste Sébastien se réfugie à Vallauris où il rencontre Suzanne Ramié. Formé à l’école Boulle, il s’intéresse à la céramique lors d’un séjour au Maroc.Son oeuvre est très personnelle et poétique avec des personnages qui tendent vers le végétal. Il sera surnommé par Aimé Maeght le Magicien de la terre de Vallauris.
Dans le sillage de Picasso
L’arrivée de Picasso en 1948 jusqu’en 1955, hébergé à l’atelier Madoura ,favorisera un nouvel élan créateur, encourageant la venue d’autres artistes tels que Chagall, Matisse,Cocteau et Foujita qui n’étaient pas spécialement formés à l’art de la céramique.Plus tard ils furent rejoints par des poètes et écrivains tels que Paul Éluard et Prévert. Picasso produira pas moins de 4000 oeuvres à Vallauris durant ces années.
En 1949, Picasso, alors citoyen d’honneur de Vallauris offrira la sculpture L’Homme au mouton à la ville de Vallauris. L’oeuvre sera placée dans la chapelle du musée national puis installée en 1950 sur la place du marché. Jean Derval sera influencé par le style et les thématiques de Picasso tels que la mythologie du minotaure. Il traitera également des sujets religieux avant de se rapprocher progressivement de l’abstraction en développant un style très personnel.
Robert Picault, quant à lui, va plutôt développer des oeuvres utilitaires en suivant le slogan » de la cuisine à la table« . Il avait vraiment un esprit de designer dont le fil conducteur principal était la couleur verte. Il développera un émail noir assez caractéristique qui sera sa signature.Ses oeuvres en série sont signées R.P alors que son travail personnel est griffé Robert Picault.
La terre de Vallauris, constituée d’argile, est réfractaire ( très résistante à la chaleur). Elle a permis le développement de la céramique culinaire en faïence. On ne peut pas réellement parler de » style » propre à Vallauris .
Cocteau et l’atelier des Archanges
Après la guerre les jeunes céramistes ont envie de casser les codes et de donner leur envol aux formes des objets habituellement strictement utilitaires. Les formes utilitaires vont désormais avoir une allure sculpturale. Ce sera un trait caractéristique dans la sculpture de Gilbert Valentin qui va créer l’atelier des Archanges ( l’ancienne fabrique Carbonel de pignates) avec sa femme Lilette. Cocteau, qui sera nommé président du club des archanges, aimait beaucoup le travail de ce couple de céramistes qu’il évoquera dans ses mémoires Le passé défini.Le poète avait un projet d’empreintes émaillées breveté par Gilbert Valentin mais il mourra en 1963 sans pouvoir le réaliser.
Les oeuvres des Archanges sont emblématiques du renouveau de Vallauris: des taches de couleurs vives émaillées se détachent sur un fond granité noir ou gris. Cocteau qualifiait le couple de « potiers de premier ordre » et avait tissé une profonde amitié avec eux. Avant sa mort, le Prince des poètes, réalisera quelques pièces avec l’atelier Madoura que l’on peut voir au Musée Jean Cocteau Le Bastion à Menton. Gilbert Valentin, à partir des années 1962, s’orientera vers des sculptures en métal.
Les amis proches de Picasso
Le Vallauris des années 1950 est un véritable laboratoire d’expérimentation où tout est possible dans une ambiance de fêtes permanentes. Edouard Pignon, ami de longue date de Picasso, suite à une proposition de ce dernier, viendra s’établir en 1951 à l’atelier du Fournas. C’est dans cette ancienne parfumerie acquise par Picasso , qu’Edouard Pignon, après un temps d’hésitation, créera pas loin de 200 oeuvres en employant différentes techniques. La devise et la démarche artistique de ce peintre céramiste seront de « vivre le réel plutôt que d’avoir pour seule intention de le représenter« . Ce peintre du réel intègrera dans sa céramique des représentations de coqs ( il est natif du nord) et des thèmes plus liés au bassin méditerranéen.
Chagall collabore avec l’atelier Madoura au début des années 50. Il réalisera des céramiques avec ses teintes bleues mélangeant poésie et réalisme. Il se lancera également dans la création de panneaux architecturaux. Victor Brauner, de son côté, s’interrogera sur l’ésotérisme et s’adonnera à la technique du sgraffito, associant image et écriture. Brauner s’attache avant tout à la fonction rituelle des objets. L’artiste éponyme Foujita durant années folles à Montparnasse intègrera également l’atelier Madoura. Quelques frictions se feront ressentir entre l’artiste japonais et Picasso, ce dernier exigeant que les oeuvres de Foujita soient éditées sous son nom.
La salle Eden, cerise sur le gâteau du Musée de la céramique
Si vous voulez être plongés dans l’ambiance des intérieurs et du design de l’âge d’or des céramistes, terminez votre visite par la salle Eden, gardée jalousement fermée et que l’on éclairera spécialement pour vous. Dans cette immense pièce aux tons pastels et presque pop on découvrira un assortiment de pièces rares de céramiques associées à du mobilier des années 50. Diverses tables revêtues de carreaux de céramique, vases et objets utilitaires y sont disposés ainsi que des panneaux architecturaux. Roger Capron y est présenté comme un des artistes majeurs de la période avec Suzanne Ramié.
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Vallauris, ville de fêtes permanentes
Durant toutes les années où Picasso a vécu à Vallauris une fête annuelle fut célébrée à l’occasion de son anniversaire. Des corridas seront organisées en son honneur à partir de 1954 sur la place des écoles. Par ailleurs la fête corporative de la Saint-Claude est remise au goût du jour à partir de 1958 et aujourd’hui encore sous la dénomination de fête des potiers.
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Vallauris, La ville Atelier-1938-1962
Musée Magnelli,
Musée de la céramique
Exposition du 3 Juillet au 31 Octobre 2021
Place de la Libération
04 93 64 71 83
Horaires 10h-12h15 & 14h-17h
Fermé le Mardi
www.vallauris-golfe-juan.fr
Ateliers d’été tout public
Informations & Inscriptions au 04 93 64 71 82
À découvrir aussi:
Fête de la Poterie
8/08/2021 Centre-Ville de Vallauris
De 10h à minuit.
Grande fête populaire en l’honneur des potiers locaux
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Remerciements à Céline Graziani, Anne Samson et Morgane Barraud
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