Durant les beaux jours, le public, amateur d’impressionnisme et de jardins soignés, pourra découvrir l’exposition temporaire La Porte des Rêves au Domaine Caillebotte situé à Yerres dans l’Essonne. Le site a réouvert il y a un an après d’importants travaux de restauration, et demeure le témoin vivant de la vie bourgeoise au XIXe siècle d’une famille d’artistes dont le père, Martial Caillebotte, était un riche marchand de draps. Le Domaine de Caillebotte propose jusqu’au 29 Juillet, dans les dépendances de la Ferme Ornée et de l’Orangerie, une série de 183 œuvres constituant une riche collection autour du symbolisme.
Le peintre Gustave Caillebotte, un des trois fils de Martial, avait déjà eu, en son temps, la volonté avérée de réunir un ensemble d’oeuvres impressionnistes. Depuis, la propriété a fait perdurer cette tradition en ouvrant ses portes à l’art de la seconde moitié du XIXe siècle dans sa plus grande diversité. Le courant symboliste y a récemment trouvé une place d’honneur avec La Porte des rêves, exposition rare d’un collectionneur contemporain, passionné d’art et de littérature des plus grands poètes symbolistes. De ce travail minutieux, tant au niveau de la découverte de tableaux aux quatre coins du monde que des cadres choisis voire fabriqués spécialement pour valoriser les œuvres, ce collectionneur (qui a voulu rester dans l’anonymat) avoue « être entré en collection comme on entre en religion… ». Les œuvres ont voyagé dans pas moins de onze pays et dix-sept musées depuis la création de la collection à Bruxelles en 1999. On ne parlera ni d’école ni de « mouvement » symboliste, mais plutôt d’une quête commune de sens, d’idéal et d’imaginaire à travers diverses thématiques abordées au cours de cette exposition.
Le Monde des Légendes
La collection s’ouvre sur Le Printemps de la peintre américaine Romaine Brooks, très inspirée de l’univers de John Whistler, et dénotant une atmosphère mélancolique. Dans la première salle d’exposition, le public découvrira un ensemble de peintres faisant référence à l’art et aux légendes médiévales, qui avaient le souci d’appliquer le style des Primitifs italiens dans de somptueux décors de forêts et autres paysages magnifiés. Armand Point illustre parfaitement cette tendance. Il créera la Confrérie Haute-Claire à Marlotte dans la forêt de Fontainebleau qui développera le symbolisme, abordant à la fois des thèmes liés au mystique, à l’étrange et au rêve. Sa maison de Marlotte sera notamment fréquentée par le poète Oscar Wilde, Odilon Redon qui réalisera une lithographie pour Les Fleurs du Mal de Baudelaire ou encore Stéphane Mallarmé.
Deux tableaux d’Armand Point font référence à ce goût pour l’univers onirique: La Princesse à la licorne et Princesse de Légende. Edgar Maxence, élève de Gustave Moreau à l’école des Beaux-arts de Paris, nous révèle également son goût pour les scènes médiévales allégoriques avec Les Fleurs du lac, utilisant la technique a tempera qui combine l’utilisation de peinture avec du jaune d’oeuf ou un œuf entier pour lier les pigments. On remarquera la précision du trait dans les visages de cette toile qui sont détaillés comme de véritables portraits. Bon nombres des peintres figurant dans cette collection ont voyagé en Italie pour y puiser leur inspiration et en rapporter les techniques picturales.
Mythes, Apparitions et Egéries Symbolistes
S’en suivent des œuvres très théâtralisées influencées par l’oeuvre du peintre et sculpteur Gustave Moreau, telle que la dramaturgie du mythe de La Méduse de Pierre -Amédée Marcel – Beronneau ainsi que dans une troisième salle des portraits de femmes rêvées et fatales réalisés par Alexandre Séon ou encore Lucien Lévy-Dhurmer avec sa flamboyante Hélène de Troie réalisée avec une technique très maîtrisée de pastel inspirée à la fois par les arts décoratifs et l’Art nouveau.
Une sacralisation de la nature environnante
Pour les peintres symbolistes le paysage idéal est ce que l’on ne voit pas au premier coup d’oeil c’est avant tout un état d’âme. La nature y est tour à tour inquiétante et sereine, décrite comme le théâtre naturel de l’homme qui tente de la décoder.
Le Mystère de la nuit d’Alphonse Osbert, dont les compositions font référence à Puvis de Chavannes, nous emmène au milieu d’une forêt constellée d’étoiles alors qu’Émile René Ménard nous offre une atmosphère apaisante avec sa Baigneuse au bord d’un lac figé dans le silence. Charles Lacoste et Charles Guilloux transcrivent ces ambiances dans des paysages urbains éthérés où la vie humaine se fait rare et discrète.
Les paysages spirituels de Charles-Marie Dulac
La collection présentée au Domaine Caillebotte a réuni notamment des œuvres phares du peintre Charles-Marie Dulac qui dira de la nature « qu’elle est l’oeuvre de la main divine ». Atteint d’une maladie incurable suite à l’utilisation prolongée de céruse à base de plomb pour des panneaux décoratifs, Dulac se tournera vers la religiosité en s’engageant dans la communauté franciscaine. On retiendra plusieurs œuvres majeures de Dulac telles que La Rivière à l’aube, Le Cantique des créatures ou encore Le Credo.
Le noir, le fantastique et la descente aux enfers
Les visions de cauchemar et les monstres peuplent également notre inconscient et notre imaginaire faisant référence aux Parques, ces filandières qui présidaient à la naissance des hommes, déroulaient et tranchaient le fil de leurs destins.
Des artistes tels que Boleslas Biegas qui suggère à travers une sculpture monumentale l’enfer de la création de Frédéric Chopin ou encore le peintre belge Henry de Groux qui avait la créativité d’un Van Gogh.
Vers l’Idéal dans l’Orangerie de la Propriété Caillebotte
L’exposition se termine avec des œuvres monumentales dans l’Orangerie de la Propriété Caillebotte sur un des thèmes majeurs du Symbolisme : la spiritualité et la quête de l’Idéal illustrée par Les Noces du poète et de la Muse de Carlos Schwabe.
À la rencontre de la famille Caillebotte
On ne pourra pas quitter les lieux sans visiter les intérieurs de la famille Caillebotte et le parc de 11 hectares réalisé sous la forme d’un jardin paysager à l’anglaise. Le Domaine est partenaire du réseau Destination Impressionnisme et la Maison Caillebotte a été labellisée en 2012 par le ministère de la Culture. Gustave Caillebotte qui y séjourna entre 1860 et 1879 y réalisa plus de 80 toiles. Le public pourra réaliser une visite numérique de tous les points de vue du domaine peints par Caillebotte qui aimait également faire du canot sur la rivière de l’Yerres.
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Exposition La Porte des rêves
Domaine Caillebotte
www.proprietecaillebotte.com
Jusqu’au 29 Juillet 2018
Commissaire de l’exposition : Jérôme Merceron.
Le budget pour 2 personnes, bagages inclus est de 2038 euros.
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Centre d’art et d’exposition
Ferme Ornée et Orangerie
du mardi au Dimanche de 14h à 18h30
10 Rue de Concy 91330 Yerres
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Maison Caillebotte
Du mardi au Dimanche et jours fériés de 14h à 18h30
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