Qui aurait pensé qu’à seulement 20 kilomètres à l’ouest d’Amsterdam, la ville de Haarlem, cité du siècle d’or, ait un lien fort avec le célèbre quartier de Manhattan? Cette passerelle historique fut initiée par Pieter Stuyvesant, administrateur de la Nouvelle-Amsterdam. La future ville américaine fut investie par les marchands de la Compagnie Néerlandaise des Indes Occidentales qui faisaient du commerce de peaux. C’est ainsi que fut créée en Amérique du nord la colonie de Nouvelle-Hollande et qu’émergèrent la ville de New-York et son quartier de New Harlem ( Nieuw Haarlem).
L’empreinte de ces grands découvreurs de la côte est des États-Unis se retrouve dans certaines descendances familiales telle que celle de Théodore Roosevelt, 26 ème Président des Etats-Unis, de lignée hollandaise depuis le XVII ème siècle.
Ce rapprochement historique de deux grandes cultures subsiste aujourd’hui entre la ville de Haarlem aux Pays-Bas et le quartier de Manhattan avec lequel elle est jumelée au travers d’échanges économiques et culturels depuis la grande épopée du siècle d’or. Située à un jet de pierre d’Amsterdam, Haarlem et ses 160 000 habitants est résolument tournée vers la culture, conservant une riche tradition littéraire, picturale et graphique comme en témoigne la statue de l’imprimeur Laurens Janszoon Costers sur la grand-place de Haarlem.
L’ambition du NBTC (National Bureau of Tourism and Congresses) est de doubler le nombre de visiteurs d’ici à 2030 en faisant la promotion de la culture à travers le siècle d’or et deux expositions majeures à voir jusqu’au début de 2019. En effet le Teylers Museum accueille jusqu’au 6 Janvier prochain une collection rare de dessins de Leonardo da Vinci The Language of Faces couplée avec l’exposition Frans Hals and the Moderns au Frans Hals Museum jusqu’au 24 Février 2019.
Haarlem, cité du siècle d’or
Le XVII ème siècle fut le siècle d’or de l’histoire des Pays-Bas, patrie de Rembrandt, de Frans Hals et de Spinoza après une lutte de 80 ans contre l’Espagne et le catholicisme du Roi d’Espagne, Philippe II. Le Protestantisme et la Réforme des Pays-Bas tiendront tête aux Espagnols grâce à l’Angleterre et la France protestante d’Henri de Navarre (Henri IV). En 1579 les sept provinces des Pays-Bas vont se rassembler grâce à l’union d’Utrecht sous la houlette de Willem (Guillaume) d’Orange. Haarlem comptait parmi les cités importantes de ces provinces unies.Traversée par la Spaarne dont les eaux étaient très claires, la ville dénombrait plus de 100 brasseries utilisant l’eau de la rivière pour la fabrication de la bière.
Le commerce y était florissant depuis le 12 ème siècle grâce à l’institution de taxes de passage pour les marchands sans oublier les industries textiles ainsi que la culture de la tulipe et des narcisses. Haarlem sera une des premières villes à connaître la Réforme et ses églises deviendront protestantes en 1511.
Willem d’Orange incitera les gouverneurs à pratiquer un droit de réquisition sur tous les biens catholiques romains qui servirent à la reconstruction de la ville en pierre. Le siècle d’or a été également très fécond pour le marché de l’art tout comme le domaine des nouveaux savoirs. À Haarlem, un riche marchand de soie et banquier du nom de Pieter Teyler van der Hulst participa à la création de la Société néerlandaise de la Science. La ville n’avait pas d’université et ce mécène ménnonite avait la volonté de partager les questions scientifiques et artistiques avec la communauté locale.
Genèse de la création du Teylers Museum
Cette période fastueuse se traduisit par une grande libération des contraintes que l’église catholique avait eu jusque là sur l’ univers des sciences et des arts. Pieter Teyler était un fervent disciple des Lumières et avait une âme de collectionneur, rapportant pléthore d’objets de ses voyages. Bientôt sa maison construite en 1738 fut agrandie par une seconde habitation afin d’y loger ses collections.
La salle ovale fut un espace créé dans le fond du jardin de l’hôtel particulier du mécène pour exécuter des expériences scientifiques en présence du public. Sa galerie circulaire héberge encore aujourd’hui une magnifique bibliothèque en lambris de chêne. Le Teyler Museum, qui surplombe la Spaarne, fut quant à lui édifié en 1784 après la mort de Teyler qui légua toute sa fortune à des fondations locales.
Célébration des 500 ans de la mort de Leonardo da Vinci
En Mai 2019, Leonardo da Vinci se sera éteint il y a 500 ans au château d’Amboise. Le Teylers museum de Haarlem, déjà riche de deux précédentes expositions sur la Renaissance avec Michel-Ange en 2005 et Raphaël en 2012, présente une série de trente trois dessins de cet artiste hors norme émanant de 25 collections de 10 pays différents.
L’exposition comporte par ailleurs un grand nombre de dessins de ses contemporains ainsi qu’une salle entièrement dédiée à la reproduction de la fresque de La Cène ( The last supper 4,6 x 8,8 mètres) dont l’original se trouve dans le réfectoire du monastère de Santa Maria delle Grazie à Milan.
Cette œuvre, de style baroque, sera considérée comme étant « la clef de voûte de l’art en Europe ». L’intention de Leonardo a da Vinci y préfigure un concentré d’émotions et d’expressions dans les visages des apôtres quand Jésus prédit la trahison d’un de ses proches à son égard. Da Vinci, également expert en anatomie, en optique et en géologie, avait un puissant don de l’observation qu’il mit également au service de son art. Une étonnante machine à produire de l’électricité statique avait d’ailleurs suscité l’intérêt de Napoléon lors d’une visite à Haarlem.
Da Vinci, véritable « Homme de la Renaissance » était avant tout préoccupé par le lien entre l’intériorité de ses personnages et leur expression extérieure. Il disséqua plus de 30 corps pour étudier l’anatomie humaine afin de décrire à perfection un mouvement, un geste dans ses nombreux dessins. Il fit également poser pour ses séries de portraits des modèles muets qui empruntaient des expressions faciales exacerbées.Le peintre italien fut un grand documentariste du genre humain et utilisait de « vraies personnes » pour les retranscrire dans ses fresques bibliques.
Les « Grotesques » de da Vinci
Da Vinci et son maître d’apprentissage Andrea Del Verrochio s’intéressaient à l’art classique de l’ antiquité et plus particulièrement aux profils qui figuraient sur les anciennes pièces de monnaie. Dans ses séries de portraits le jeune prodige laissa transparaître sa fascination pour le beau et son contraire, d’Antinous, magnifique amant de l’Empereur Hadrien à ses étranges dessins de têtes grotesques ( collection de la famille royale britannique à Windsor) représentant des vieillards et des femmes aux traits laids et déformés.
Ses visions « grotesques « transposées sur papier étaient une façon de distraire la cour ! da Vinci avait une théorie de la physionomie où se côtoyaient beauté et laideur, reflétant l’intériorité des personnages représentés.Dans son traité sur la peinture il prônera la « philosophie du voir ». La série des « Grotesques » que da Vinci qualifiait de visi mostruosi ( visages monstrueux) eut une large influence sur le travail du peintre flamand Quinten Massijs et bien d’autres encore. Le Teylers Museum présente plus qu’une exposition sur Leonardo da Vinci, il nous embarque à travers les idées et les observations d’un génie.
À la rencontre de Frans Hals et des maîtres modernes
Une autre exposition incontournable « Frans Hals et les maîtres modernes » est à voir jusqu’au 24 Février 2019 au Musée du même nom. Au fil des lieux a rencontré tout spécialement la directrice du musée, Ann Demeester : « Frans Hals fut considéré comme un des plus grands maîtres du portrait et du style baroque de son époque Au XVII ème siècle ce peintre flamand, d’origine anversoise, immigre très jeune aux Pays-Bas. Durant sa carrière de peintre il reçut beaucoup de commandes tout comme Rembrandt mais connut un soudain déclin dans ses ventes à cause d’un retour à une ère de classicisme et de rigorisme. Son style était spontané et il travaillait très librement avec d’amples coups de pinceau. Hals ne répondait plus aux nouveaux standards académiques en vigueur et il fut en quelque sorte mis de côté. Au XIXème siècle, Théophile Thoré un critique et collectionneur français encensa l’œuvre de Hals dans la Gazette des Beaux- Arts en 1868. On assista brusquement à une véritable « Halsmania » et le rayonnement de Haarlem au cours du XIX ème siècle s ‘explique par la reconnaissance tardive du peintre décédé en 1666 . Durant son existence Hals eut beaucoup de commandes tout en étant souvent criblé de dettes, n’oublions pas qu’il avait quatorze enfants à nourrir ! ».
L’art de peindre les petites gens
L’artiste saisissait les visages et les attitudes de ses modèles comme s’ils s’apprêtaient à bondir hors du cadre de ses tableaux. Son approche humaniste se décline dans divers tableaux dont La Bohémienne appartenant au Musée du Louvre ou encore Malle Babbe, cette femme égarée mentalement qu’il croisait souvent dans les rues de Haarlem.La chouette représentée sur l’épaule du personnage symbolisait à la fois la sagesse et l’idiotie.
Le mérite d’être copié
Hals, dans l’utilisation débridée de ses pinceaux, inspira fortement les peintres du courant impressionniste qui venaient à Haarlem en véritable pèlerinage pour voir son travail de maître. Il suscita également l’intérêt d’artistes de la fin du XIX ème tels que Mary Cassat, Edouard Manet ou encore Max Liebermann, le peintre impressionniste allemand qui réalisa un grand nombre de copies des oeuvres de Frans Hals. L’exposition comporte huit œuvres de ses plus chers admirateurs dont Van Gogh, Henri Fantin-Latour et Edouard Manet.
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Guide pratique
Où dormir:
Amrâth Grand Hotel Frans Hals
www.amrathhotelhaarlem.nl/
Damstraat 10
2011 HA Haarlem, the Netherlands
T: +31 23 518 18 18
Chambre double à partir de 100 Euros
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Où manger:
Grand café Brinkmann
Grote Markt 13
2011 RC Haarlem
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Vooges Central
Kennemerplein 6
2011 MJ Haarlem
023 – 201 6044
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