La Cité de l’Architecture et du Patrimoine présente jusqu’au 6 mars prochain une incontournable exposition sur l‘Art Déco France-Amérique du Nord. Plus de 350 oeuvres sont réunies pour faire le récit des échanges tant intellectuels qu’artistiques transatlantiques entre la fin du XIXè siècle jusqu’aux années 30 après la Grande Dépression. Certains objets de l’exposition ont été rachetés à des collectionneurs américains.
Des liens historiques entre France et Amérique
Les liens tissés entre France et Amérique sont historiques. Pierre-Charles L’Enfant, ingénieur civil et architecte français s’engage volontairement dans les troupes du Général La Fayette. C’est ainsi que débutera l’influence française sur l’urbanisme et l’architecture aux Etats-Unis. George Washington va demander à l’architecte français de réaliser le plan de la capitale fédérale. En 1886 aura lieu l’inauguration de la Fonderie Gaget et Gauthier située au 25 rue de Chazelles à Paris. Dès l’annonce du projet visant à offrir aux États-Unis, La Liberté éclairant le Monde, destinée à commémorer le centenaire de la Déclaration d’Indépendance, il fut décidé que les États-Unis construiraient le socle du monument, tandis que la France se chargerait de fabriquer la statue, de la transporter en pièces détachées, puis de l’assembler à nouveau sur place. Elle fut un réel symbole pour la guerre de 1914 avec les Liberty bonds (obligations de guerre). Cet appel de fonds fut soutenu par les poilus français qui n’étaient pas dans les tranchées. Les soldats américains, surnommés les » Sammies » ne combattront aux côtés des Français qu’à partir de 1918. La guerre en attente de leur rapatriement aux Etats-Unis et la démobilisation de ces soldats américains contribueront aux rapprochements d’artistes franco-américains.On crée des écoles pour occuper les soldats américains mobilisés. C’est dans la propriété d ‘Isadora Duncan que l’American Training de Meudon formera 400 américains durant trois mois. Les élèves seront encadrés par Victor Laloux, Jacques Carlu ou encore Nicolas Forestier pour l’architecture et Jacques-Emile Blanche pour la peinture. On comptera également bon nombre d’enseignants nord-américains. Ce sera une opportunité pour ces jeunes américains d’avoir accès à des visites d’ateliers célébrités telles qu’Antoine Bourdelle ou encore Kees Van Dongen. Cette première initiative de rapprochement artistique se répètera quelques années plus tard avec la Fontainebleau School of Fine Arts sous l’égide de la Fondation Rockfeller au sein du château de Fontainebleau.
L’Exposition internationale de 1925
Herbert Hoover, secrétaire d’Etat au commerce des Etats-Unis enverra une délégation de 104 membres pour découvrir l’exposition à Paris et ses150 pavillons. Le New York Times va publier une centaine d’articles de février à septembre 1925. Cette visite inaugurée par le président de la République Gaston Doumergue représentera une incroyable source d’inspiration et un passage à la modernité de l’Art déco. On assiste au passage à une civilisation moderne et industrielle. Toutes les formes artistiques seront fortement marquées par ces nouvelles influences: architecture, muralistes, peintres et sculpteurs mais également le monde de la mode et de la joaillerie.Un vrai principe de vases communicants va favoriser ces échanges artistiques entre France et Amérique du Nord. L’Art déco devient un modèle diplomatique inspirant de nombreuses nations. Le Mexique aura également son lot d’artistes influents et engagera dès 1926 la construction de son ambassade à Paris avec eux. L’architecte français André Durand sera en charge de l’édification du bâtiment intégralement Art déco de la rue de Longchamp.Le peintre mexicain Angel Zarraga, proche de Diego Riviera ( le mari de Frida Kahlo) s’installera à Paris et réalisera de nombreuses fresques. Son oeuvre la plus significative sera incarnée par La France, la rose du Monde. Pour coordonner encore plus ce mouvement artistique bilatéral, de prestigieux paquebots deviendront dans les années 30 les vitrines flottantes du mouvement Art Déco: le paquebot Île de France en 1926, le Normandie en 1935. Ce moyen de locomotion mettra en avant également le travail de grands ensembliers tel que Jacques-Émile Ruhlmann.
L’Art Déco en Amérique
De jeunes designers français vont investir les grands magasins américains en leur insufflant de nouvelles tendances. Macy’s à New York arbore des ascenseurs aux grilles art déco, le magasin Stewart, construit par Whitney Warren en 1928, est orné de deux bas-reliefs aux danseuses de René Paul Chambellan et Jacques Carlu y aménage des alcôves luxueuses. Les arts de la table et la mode signent ce nouveau style et des célébrités du lifestyle de l’époque organisent des visites à bord des nouveaux paquebots Art déco en escale. Les personnalités de la Upper Class seront les meilleurs ambassadeurs du nouveau style Outre-Atlantique et les rédactrices Den chef de Harper’s bazar ou Vogue portent toutes des créations de mode et de joailleries françaises.
Les effets de la crise de 1929
La Grande Dépression de 1929 va freiner les programmes de construction à New York. L’Empire State building est surnommé l’ « Empty State Building ». Le président Roosevelt lance le programme du » New Deal » avec de grands travaux. On assiste à une démocratisation du style avec l’esthétique Streamline. C’est un art qui va toucher la middle class américaine. Miami incarnera la ville modèle de cette formule épurée de l’Art déco. L’impact de la Grande Dépression sera également très important sur les architectes français expatriés. Le manque d’argent les rapatriera en France. Parmi eux, Jacques Carlu deviendra en 1934 le conservateur en chef du palais du Trocadéro. Carlu sera en 1935 à l’initiative des plans du nouveau palais de Chaillot qui deviendra le palais américain à Paris. Le lieu fut conçu pour l’exposition universelle de 1937 par les architectes et grands prix de Rome, Léon Azéma, Jacques Carlu et Louis-Hippolyte Boileau.
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Art Déco France// Amérique du Nord
du 21.10.2022 au 06.03.2023
Cité de l’Architecture et du Patrimoine
Palais de Chaillot
1 place du Trocadéro
75016 Paris
https://www.citedelarchitecture.fr/fr
Photo en tête d’article:The Champion Atlantic Coast Line Railroad 1939 © The Wolfsonian-Florida international university -Photo Lynton Gardiner
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