«En pleine mêlée de ronces et de lianes ruisselantes, il faut se frayer un chemin à coups de bâton pour arriver à ce temple. La forêt l’enlace étroitement de toutes parts, l’étouffe et le broie …» –Pierre Loti
Napoléon III voulait vérifier la navigabilité du Mékong pour faire commerce avec la Chine du Sud et délégua une mission en Indochine (Cambodge,Vietnam,Laos).
En 1863 avait eu lieu la signature d’un traité de protectorat entre la France et le Cambodge: en effet, le roi khmer Norodan 1er était en conflit avec le Siam où s’étaient établis les Anglais.
Louis Marie-Joseph Delaporte, jeune enseigne de vaisseau issu d’une famille bourgeoise de Touraine, découvrira le site d’Angkor en 1866 à l’occasion de la Mission d’exploration du Mékong menée par Ernest Doudart de l’Agrée.
Il sera ému par «les formes laborieuses,complexes et tourmentées» du site d’Angkor qu’il découvrira partiellement enfoui dans la végétation luxuriante.
Ce lieu avait été abandonné, depuis le XIV° siècle pour différentes raisons: la religion bouddhiste avait évolué au XV° siècle et les rois khmers s’étaient installés plus au Sud.
Delaporte sera engagé à la fois comme comptable de la Mission et dessinateur pour la réalisation de croquis des différents monuments dont il fera des restitutions romantiques. Certaines de ses illustrations seront présentées dans un ouvrage de Francis Garnier «Voyages d’exploration en Indochine».
En 1873, Delaporte repartira sur la Javeline pour une mission archélologique suite à un accord avec le Roi du Cambodge. Ce nouveau voyage sera entièrement consacré à l’exploration des monuments anciens du Cambodge et du Siam. Le capitaine Auguste Filoz sera recruté pour l’exécution des différents moulages sur place. Mais l’expédition rencontrera des problèmes techniques causés par la très forte humidité et la fameuse maladie de la pierre qui fragilise les statuaires en grès.
Cela donnera lieu au recueil de fragments originaux, comprenant 70 pièces de sculptures et d’architecture transportées péniblement à dos d’éléphants dans une centaine de caisses.
Sur place, beaucoup de sculptures sont trouvées cassées et abîmées, cela s’explique partiellement par l’abandon de l’Hindouisme et le passage au Bouddhisme du Petit Véhicule.
Par ailleurs de nombreux pillages eurent lieu afin de récupérer des dépôts de fondations en or et en argent.
Louis Delaporte tombe malade et devra être rapatrié en France. Vers la fin de l’année 1873, ce sera Félix Faraut, établi en Cochinchine, qui poursuivra sur place les travaux de son prédécesseur.
Le musée du Louvre, auquel Delaporte présente ses moulages, refusera d’y trouver un quelconque intérêt, et de 1874 à 1878, toutes les oeuvres seront consignées au Château de Compiègne, où sera crée un musée d’art khmer.
Delaporte préparera une nouvelle expédition de 1881 à 1882. Il fera appel à l’italien Ghiraldi pour de meilleures techniques de moulage à la gélatine, beaucoup plus précises, donnant un effet de troisième dimension. Le jeune lieutenant de vaisseau mettra une partie de son argent personnel dans les fonds de cette expédition.
Chaque morceau de moulage sera assemblé à Paris, grâce à l’arrivée successive de nouvelles pièces. Le travail remarquable de conservation de Delaporte sera reconnu et apprécié en France à travers les différentes expositions universelles et coloniales. À l’occasion de celle de 1900, l’architecte Alexandre Marcel, passionné d’orientalisme, sera chargé de la reconstitution du temple principal de Phnom Penh.
Le site d’Angkor rencontrera un énorme succès médiatique, notamment avec la reconstitution de la Tour du Bayon.
L’exposition coloniale de Marseille de 1906 sera également une source d’inspiration pour de nombreux artistes tels que le peintre russe Léon Bakst (maquette pour le décor du ballet «le Dieu Bleu»), quant au sculpteur Auguste Rodin, il sera subjugué par les danseuses du Roi du Cambodge lors du passage du ballet royal khmer au théâtre du Pré Catelan: «[…] elles donnent un mouvement qui serpente d’une main à l’autre, en passant par les omoplates […] ce mouvement appartient à l’Extrême-Orient inconnu, jamais vu».
Le travail considérable de Louis Delaporte qui s’est toujours tenu à l’écart de l’élite scientifique de son époque aura eu un impact sur le 20 ème siècle..
À voir:
Jusqu’au 13 Janvier 2014 au Musée Guimet:
«Angkor,Naissance d’un mythe- Louis Delaporte et le Cambodge»
« Angkor aux musées : les moulages du musée indochinois du Trocadéro » par Thierry Zéphir,
sans réservation préalable, dans la limite des places disponibles.
Lieu de la conférence : Auditorium du Musée Guimet
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