En cette journée d’éclipse partielle où nous avons raté la rencontre du soleil avec la lune, j’ai passé un moment privilégié avec Laurent Bignolas pour parler de sa nouvelle collection documentaire Ô bout du monde. A la fin de cette semaine, durant le weekend de Pâques, Laurent nous fera partager avec lui et son équipe, sa Mission Madagascar, documentaire de 115 minutes sur l’île rouge. C’est avec son association Man & Nature qui existe depuis 2011, que Laurent agit et s’implique dans divers domaines tels que la préservation de la faune et de la flore ou encore au profit de la valorisation locale de l ‘économie des pays du sud, grâce à leurs ressources naturelles.
L’association s’est rendue tout récemment à Madagascar pour le premier volet de cette série de documentaires. Les prochains rendez-vous sur Ô bout du Monde vous entraîneront au Nicaragua, au Népal et au Cambodge. Laurent Bignolas m’a évoqué durant une heure, autour d’une tasse de café, son engagement pour la planète avec la chaîne France Ô.
Comment intervenez-vous dans les différents pays sur lesquels se porte votre attention?
Ce sont les associations locales qui nous contactent car elles ont envie de préserver, de vivre et de profiter de leur environnement, de façon raisonnable et raisonnée. Des sites ont été ravagés par le temps et les civilisations car on n’a pas conscience de l’importance des zones vertes et de tous les maillons de la chaîne représentés par les espèces animales. Nous nous appuyons sur ces projets, et tentons de répondre à un besoin local: au Cameroun les gens ont voulu sauver une des quatre sous-espèces de gorilles en danger. Prochainement nous nous rendrons en Inde par rapport à des espèces végétales et animales. Ce n’est pas toujours simple pour l’homme de vivre avec des animaux.
Au Népal,un projet de culture répulsive est en phase de développement pour qu’elle soit bénéfique pour les villageois et les protège contre les grands herbivores et autres animaux sauvages qui constituent une menace dans leur quotidien.
Ce n’est pas toujours simple pour l’homme de vivre avec des animaux.
Nous avons un bureaux d’expertise avec une équipe constitué de biochimistes et d’ingénieurs agronomes qui vont sur place et nous leur donnons le coup de pouce financier qu’ils ne trouveraient pas autrement.
Quelles actions sont menées à Madagascar par l’association Man & Nature?
Man & Nature est impliqué dans le domaine des huiles essentielles comme le niaouli, le saro ou l’ylang-ylang. Ces produits intéressent des industries de cosmétologie. Notre but est de donner aux Malgaches les outils pour exploiter les trésors qu’ils ont sur place. Nous servons donc de relais et créons cette connectivité qui manque pour y arriver.
Dans le film sur Madagascar, les populations, pour se nourrir, détruisent des biens précieux: l’agriculture sur brûlis fait disparaître les bambous qui nourrissent les lémuriens. Il est nécessaire de faire évoluer les habitudes et créer des programmes pédagogiques pour expliquer certains processus. Le dialogue est un enjeu souriant qui, je l’espère, fabriquera un monde un peu plus juste. Il faut arrêter de regarder les populations lointaines comme des gens qui tendent la main car une fois que le projet est mis en place ce sont eux qui deviennent les experts! Quand on vit bien dans une forêt on peut avoir envie de partager le progrès de façon raisonnable sans pour cela pourrir son environnement et sans engorger les périphéries urbaines. On vit mieux là où on a toujours vécu.
Pouvez-vous me parler des 57 espèces de lémuriens et 94 espèces de grenouilles de Madagascar?
Le lémurien est endémique, sans lui on ne parle plus de la même forêt. Il se déplace beaucoup et il fait grandir celle-ci. Les déjections de petits graines qu’il a ingérées en mangeant des quantités de feuilles ont un rôle important pour la survie de la forêt. L’homme a été un grand prédateur du lémurien, ce dernier a un rôle crucial pour la reconstruction d’un espace qui a été victime du trafic du bois depuis 200 ans et détruit à 80%. Si l’ on faisait la même chose contre ce trafic comme l’a fait Sea shepherd pour l’océan, on participerait grandement à cette reconstruction.
La grenouille mantella de Madagascar est non seulement une merveille visuelle pour ses couleurs mais représente surtout un espoir pour l’industrie pharmaceutique et la recherche médicale contre le diabète et une soixantaine de formes de cancer grâce aux alcaloïdes qu’elle contient.
Il en reste aujourd’hui une cinquantaine et il faut à tout prix préserver son habitat constitué de mousses sur lesquelles elles pondent. La pratique du brûlis les élimine. Si l’on installe des cultures autour de ces sanctuaires, cela créera une économie pour les paysans qui y installeront des pare feux. Ils prospèreront et préserveront les grenouilles!
Vous vous intéressez également aux secret des plantes de Madagascar…
Si l’on arrive à évaluer ce que ces plantes, qui poussent à foison, peuvent nous apporter, on peut envisager un marché et des débouchés. Olivier, mon homologue sur place pour l’association, va sur le terrain avec son alambic et emmène les prélèvements dans des laboratoires sur place à Tana ou dans celui de mon amie biochimiste Chantal au milieu de la forêt. Quelques fois nous ramenons les spécimens en Europe.
Les industries du luxe participent à ces recherches, comment gérez-vous un juste équilibre qui puisse profiter aux populations locales?
Les prix sont fixés et sur cette base on sait ce que va rapporter telle ou telle quantité. Il n’y a pas d’intermédiaire et c’est une relation de confiance qui s’instaure avec un bureau d’experts à l’appui. L’acheteur a envie de se lancer dans ce programme car il s’adresse à une communauté et non pas à un simple fournisseur. Une relation de proximité s’établit sur place entre le bailleur et les producteurs locaux. Souvent, l’année suivante, cela donne lieu à une action concrète telle que la construction d’une école ou d’un centre de santé. Quand un produit sera bien vendu dans les pays nantis cela enrichira ceux qui en ont vraiment besoin.
D’où est partie l’idée de l’émission Ô bout du monde ?
C’était une idée de mon patron, Gilles Camouilly, qui voulait que je retourne sur le terrain plutôt que de me voir interviewer les invités de Faut pas rêver qui me parlaient de leurs aventures sur ma péniche! J’avais envie d’avoir un regard humain en ouvrant mes oreilles, mes yeux et mon cœur. Avec un ami réalisateur j’ai donc travaillé à un concept qui portait sur l’engagement. Notre travail n’est pas de mettre en valeur Man & Nature mais aussi l’apport d’autres associations locales, plus petites, dans les villages ayant leurs propres préoccupations.
Vous qui avez traversé l’Atlantique en voilier plusieurs fois, comment avez- vous perçu la vie des pêcheurs bravant la mer sur la côte de l’océan indien?
Je leur ai dit qu’ils étaient fous de se lancer dans ces vagues car les courants sont extrêmement forts et certains pêcheurs ne savent pas nager! Ils m’ont tout simplement dit «t’as jamais eu faim toi…». Le poisson se vend très bien sur le marché mais au prix d’un retour de pêche souvent dangereux car les barques sont des coquilles de noix qui prennent l’eau quand elles sont alourdies par le poids des poissons.
Quels sont les endroits au monde qui vous tentent?
Le voyage ce n’est pas seulement la vision ce sont aussi les sons que l’on perçoit. À Madagascar on écoute la forêt et c’est aussi une forme de voyage!
Hier soir ,j’ai vu le reportage.Très émue car j’ai revu des villages où j’ai séjourné.En tant qu’infirmière à la retraite ,j’ai fait 3 séjours.
Bravo à toutes les associations qui aident les malgaches à préserver leur île
Cordialement