Il y a une semaine, jour pour jour, s’achevait la très belle présentation des arts premiers, le retour aux sources au Festival international de Cerf volant de Dieppe.Deux ans se sont écoulés déjà depuis la dernière édition et ma découverte des étonnants bols volants de Michel Gressier couronnant le ciel. Cet ancien alpiniste savoyard avait pour habitude d’accrocher ses toiles géantes au flanc des montagnes jusqu’au jour où il devint plasticien du vent, lâchant ses œuvres dans le ciel
Durant cette édition 2016, Michel Gressier a partagé avec le jeune public des ateliers de création, ses « bols d’air du matin ».
Cette année le Canada et le thème Les arts premiers, le retour aux sources ont été à l’honneur réunissant des participants venus des 4 coins du monde sous l’égide de Sandrine Frébourg, coordinatrice du festival.
Ici se sont croisés les inuits et les maoris ou encore les artistes autochtones des territoires du Nord de l’Australie sans oublier les cerfs- volistes venus d’Asie. Bien souvent certaines ethnies ont survécu grâce à une tradition orale, les arts premiers renforcent cette farouche envie d’exister et de transmettre une mémoire fragilisée ,privée d’écriture.La représentation graphique devient vitale et la parole visuelle indestructible. Le Festival de Dieppe m’a permis de faire deux magnifiques rencontres d’artistes très atypiques qui y exposaient leurs oeuvres.
Steve Brockett : The flying Kiter ( Le cerf- voliste volant)
Steve Brockett a fabriqué ses premiers cerfs volants à l’âge de 22 ans après avoir fait des études de peinture à l’école des Beaux arts de Cardiff.Il exposera ses créations de cerfs volants à partir de 1985 et deviendra rapidement un artiste reconnu à travers ses nombreuses expositions internationales.
C’est dans un petit studio qui lui sert d’atelier qu’il crée et coud la plupart de ses créations en les abordant préalablement sous forme d’esquisses et de dessins. Son travail le plus récent est consacré aux mythes et légendes d’ethnies disparues depuis le début du XX eme siècle en Terre de Feu en Patagonie. Brockett a essentiellement travaillé d’après des photos noir et blanc du peuple indien Selk’nam réputé pour ses peintures corporelles .
Ses cerfs volants nous impressionnent avec des représentations de femmes à plumes et d’hommes à la stature très élancée , de nids en guise de tête et de masques symbolisant le dialogue avec l’esprit.L’artiste a communiqué avec ferveur avec ce peuple opprimé , chevillant l’âme aux corps monochromes de ses personnages forgés dans des légendes abyssales.
Steve Brockett s’est concocté ses propres ailes en volant en parapente motorisé à travers le monde depuis 2006 , il nous livre une série de paysages époustouflants avec sa série et son ouvrage Draw earth à consulter sans modération. L’univers de l’artiste britannique nous livre une vision du monde très spirituelle où l’empreinte de l’homme a marqué le ciel et la terre.
Dominique Normand
« Le grand blanc s’est emparé de mes sens »
Cette ancienne graphiste en multi- média a collaboré durant de nombreuses années avec la télévision et le cinéma canadien.Descendante du peuple malécite , Dominique Normand porte un nom prédestiné : « homme du nord » ! On ne peut qu’être captivé par son regard bleu métal quand elle nous parle de sa passion pour le peuple Cri, le plus grand groupe des premières nations du Canada.Résidente dans les Laurentides Dominique s’est rendue régulièrement dans les villages cris du territoire Eeyou Istchee ( la terre du peuple) au nord du Québec avec son matériel de peinture pour y réaliser des ateliers auprès des jeunes de la communauté Cri. La nature ,les rivières, les bois et la communauté Cri ont été la source principale de sa production en tant qu’artiste peintre et documentariste :
« À ma curiosité naturelle envers la nature s’ajoute un intérêt viscéral à l’égard de la sagesse et des coutumes de cette culture autochtone » .
Trois mois dans l’année, Dominique Normand partage les activités quotidiennes de la pêche, de la chasse au caribou ainsi que les activités traditionnelles des Cris telles que le tannage des peaux et la préparation des plantes médicinales.
Son travail de peinture et également ses réalisations de films documentaires en immersion sont les révélateurs de son engagement par rapport a une communauté qui a souffert de la déportation provoquée par la création des écoles résidentielles au siècle dernier et d’une importante perte identitaire de la jeune génération du peuple Cri.
À travers ses films documentaires et sa peinture, cette artiste contribue largement à la mise en lumière du peuple Cri.
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