Le Grand Musée du Parfum, présidé par Guillaume de Maussion, a ouvert ses portes fin 2016 au 73 Faubourg St-Honoré retraçant sur 1400 mètres carrés le parcours historique et scientifique du rayonnement international de la parfumerie. Le public y découvrira 3 séquences allant de l’histoire des parfums pour renouer ensuite avec son sens olfactif grâce à une immersion sensorielle, en traversant un étonnant jardin des senteurs pour terminer la visite avec les différentes étapes de création du parfum. Cet hôtel particulier a été au départ une maison de jardiniers datant du XVIIème siècle pour devenir par la suite la résidence du peintre-collectionneur Étienne Moreau-Nélaton puis la maison de couture de Christian Lacroix.
L’Histoire du parfum
La parfumerie remonte à 3500 ans avant JC avec le kyphi (encens sacré fait de myrrhe et d’oliban) dit parfum 2 fois bon cultivé dans la vallée du Nil. Il était brûlé pour un usage sacré mais aussi pour embaumer et momifier les défunts, ou encore purifier la maison et palier aux problèmes pulmonaires. À cette époque quand on est un Dieu ou un Pharaon on se parfume et l’on huile son corps pour une mise en beauté qui donne une certaine aura. C’est un privilège qui leur est exclusivement réservé à l’élite. Toutes les matières premières qui composent ces parfums étaient cultivées dans la vallée du Nil ou importées depuis la corne de l’Afrique ou depuis le Moyen-Orient.
Quand les Romains annexeront l’Égypte, le kyphi séduira les femmes de la haute société pour leur mise en beauté. Cléopâtre l’utilisait beaucoup pour séduire notamment Marc-Antoine. Elle s’habillait en Vénus avec de grandes voiles pourpres sur lesquelles elle faisait brûler du parfum pour rejoindre l’empereur par bateau. De magnifiques illustrations de Bruno Bressolin accompagnées de textes de l’ historienne du parfum Élisabeth de Feydeau nous racontent les étapes du parfum à travers les grandes figures de l’histoire. Cléopâtre est ici réinterprétée de façon contemporaine avec les traits d’Elizabeth Taylor et tout au long de l’exposition on avance dans l’histoire du parfum avec Catherine de Médicis qui arrive à la cour de France en 1533, lieu très nauséabond à l’époque puisque les bains publics avait été fermés depuis 2 siècles.
En effet on pensait que l’eau véhiculait les maladies en ouvrant les pores de la peau. En Italie la sophistication et le raffinement du parfum avaient déjà été développés à Florence au monastère de Santa Maria de la Novella d’où provient l’éponyme eau de cologne créée en 1695. Cette invention fut récupérée par un italien, Monsieur Féminis qui la transmettra jusqu’à son arrière petit neveu Johan-Maria Farina (celui-ci la popularisera à Cologne en Allemagne). À l’époque de Louis XIV la toilette sèche était de rigueur, le roi se parfumait tellement qu’il en devint allergique, il ne portera que quelques gouttes de fleurs d’oranger. C’est Catherine de Médicis qui introduira les gants parfumés et les petites fioles de parfum que l’on porte dans les manches ou les poches des vêtements. Catherine de Médicis arrive à la cour de France accompagnée de René Florentin, son parfumeur officiel, qui sera souvent accusé d’avoir élaboré des poisons pour éliminer les concurrentes de Catherine de Médicis. Il y a une grande ambivalence à l’époque entre parfum et poison.
La visite du Musée du Parfum se poursuit avec la visite d’un cabinet de curiosités de l’époque du Moyen-Âge et de la Renaissance où les femmes tendaient une grande toile au sol sur laquelle elles mettaient des fioles de parfum de façon très ritualisée pour exécuter la « toilette » au milieu de leurs confidentes et amies. Elles portaient des petits pendentifs avec de l’ambre gris (qui provenait des intestins des cachalots) ou des herbes aromatiques pour les moins riches. C’était un moyen de lutter contre les maladies, d’ailleurs les parfums se buvaient grâce aux alambiques arrivés en Europe au XIVème siècle. Les parfums jusque là huileux solides ou aqueux vont devenir liquides. La distinction entre parfumeurs et apothicaires se fera à partir du XIIème siècle mais en réalité ces deux corporations resteront intimement liées jusqu’au XIXème siècle. Napoléon 1 er buvait son eau de cologne sous la forme de « canard Farina » sur un sucre avant d’aller sur le champs de bataille. Les parfumeurs étaient en charge de désinfecter les lieux en temps d’épidémie de peste. C’est seulement au XVIIIème siècle que la toilette sèche disparaîtra avec la réouverture des bains publics et des étuves et on ira vers des senteurs plus légères. Paris deviendra capitale internationale de la parfumerie et partagera désormais le marché du parfum avec Grasse et Montpellier, ville de la médecine.
Les matières premières seront extraites à Grasse alors que Paris se consacrera à la mise en bouteille et à la création des flaconnages. Il y a une réelle association entre maitres-verriers et parfumeurs. La plupart des flacons présentés au Grand Musée de la Parfumerie proviennent de la collection Storp présentée un très beau musée à Munich. C’est à Paris que vont apparaître des usines modèles en cette grande période d’ industrialisation.
Les premières molécules de synthèse
Les premières molécules de synthèse apparaîtront en 1868 avec la coumarine issue de la fève tonka créée par la Maison Houbigant. Le premier parfum qui utilisera cette molécule de synthèse sera Fougère royale de la Maison Houbigant qui ouvrira sa première boutique La corbeille de fleurs, rue du Faubourg St-Honoré. Le Grand Musée du Parfum présente la boutique de cette grande maison avec son mobilier prêté par le musée Carnavalet. On venait consulter pour se faire fabriquer son parfum. Aimé Guerlain en 1889 utilisera aussi des molécules de synthèse avec son parfum moderne Jicky, beaucoup plus abstrait qui s’éloignera des senteurs de fleurs. Chanel sortira son n°5 en 1921 avec une vraie odeur de femme créée par Ernest Beaux. Paul Poiret innovera avec les parfums de Roseline, Schiaparelli très proches des surréalistes fera créer certains de ses flacons par Dali conçus comme de véritables objets d’art. François Coty attachait également une énorme importance au flacon de parfum. Les quelques gouttes prolongeaient le style et permettaient à tout le monde à toucher du bout des doigts au monde du luxe.Peu à peu les parfums n’ont plus de genre et les femmes s’approprient des senteurs plus masculines. Louise Brooks sera la pionnière de l’émancipation des femmes après la première guerre mondiale avec le parfum Tabac de Caron en 1919 qui affirme l’androgynie des parfums.
L’aspect scientifique du parfum
Au premier étage du musée on passe au domaine de la recherche autour du parfum en s’attachant à la qualité nasale, aux types d’émotions qu’il va déclencher chez nous, la façon dont il est fabriqué avec des molécules de synthèse.
Un magnifique bouquet de roses fraîches sur fond d’une multitude de flacons vides s’invite dans un décor blanc et épuré. On apprend que la rose dégage environ 350 différentes molécules odorantes dont 3 dominantes qui sont l’acide phénéthylique, le géraniol et le citronellol.
Une mise en scène d’alambics nous informe sur notre patrimoine olfactif individuel.Certaines personnes souffrent d’anosmie à certaines odeurs (elles ne les distinguent pas) et pas à d’autres. Le capital olfactif de chacun diffère et cet espace nous invite à la manipulation et à l’expérimentation de nos sens. C’est l’épithélium en haut de la cavité nasale qui va transformer le message olfactif en influx nerveux et renvoyer le message dans une partie du cerveau qui s’ appelle le système limbique où sont traitées la mémoire et le émotions.
Le nez d’un parfumeur peut détecter jusqu’à 600 odeurs différentes. Il doit faire des gammes tous les jours comme un musicien avec 1500 matières premières. Jean-Claude Ellena est le parfumeur d’Hermès et forme les jeunes générations de futurs parfumeurs.
Le jardin des senteurs
Un jardin de senteurs au design très contemporain livrera des odeurs différentes pour chaque visiteur qui s’arrêtera devant des fleurs géantes très stylisées.Cette scénographie résolument contemporaine est un véritable « hymne au parfum »qui met en interaction le visiteur et des outils digitaux très sophistiqués.
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Le Grand Musée du Parfum
73 faubourg St Honoré
75008 Paris
www.grandmuseeduparfum.fr
Tel 01 42 65 25 44
superbe endroit !