Une balade teintée d’histoire…
C’est au départ de la Place de la Poissonnerie dans le vieux centre que l’on pourra démarrer le circuit historique de Chartres et revivre le quotidien de sa population au Moyen âge.
La découverte à pied de la ville m’a rappelé en de nombreux points celle de la Cité Plantagenêt évoquée dans mon billet sur la Sarthe ( aufildeslieux.fr/72-heures-sarthe/) .
Sur cette place trône l’incontournable Maison au saumon datant du 15 ème et 16 ème siècles et devenue l’office de tourisme de la ville.
A l époque on pêchait beaucoup de saumon de rivière que l’on trouvait dans l’Eure. La maison était composée de 2 hôtels particuliers transformées en deux échoppes «logées à la même enseigne» pour diminuer les coûts: maison au saumon et maison de la truie qui file! Chartres était à l’époque divisée en deux: la haute ville, avec le château et la cathédrale, et la basse ville avec les activités liées à la rivière: dur travail des lavandières rémunérées à la pièce et qui procédaient à leur grande lessive de printemps au moment du carême! On comptait également des tanneries, corroieries et mégisseries dans la partie basse de la cité….
La ville haute et basse étaient reliées par des tertres, il y en avait cinq dont celui au nom très pittoresque de «glisse-putain» (rien de péjoratif dans ce terme qui signifiait « jolie fille» !) car les vaillantes lavandières glissaient souvent sur les pentes boueuses du tertre St-Nicolas jalonné de bancs de pierre où elles s’asseyaient pour reprendre leur souffle.
Les«éviers» (porteurs d’eau de l époque)empruntaient le même circuit et approvisionnaient la ville haute en rapportant l’eau de la fontaine St-André située en contrebas.
Au 14 ème siècle durant la guerre de 100 ans la peste est arrivée et a éradiqué durant un an une grande partie de la population qui est passée de 20 000 à 10 000 habitants. La frange la plus touchée de la population fut précisément celle des lavandières qui manipulaient l’eau du Petit Bouillon, bras de l’Eure, infectée par les tanneurs qui y faisaient tremper les peaux des bêtes abattues. La ruelle par laquelle transitait le bétail à abattre s’appelle toujours rue du massacre…
Aujourd’hui en se promenant Place Billard dans la halle Baltard où se déroule le marché aux fruits et légumes, on pénètre dans l’enceinte insoupçonnée de l’ancien château comtal de Thibault le Tricheur, Comte de Chartres, de Blois et de Tours.
http://www.unjoura.com/chartres/Visite-prod2/ST-24/video.html
C’est dans les donjons du château, aujourd’hui disparu, que furent installés prison et tribunal et enfermée la fameuse bande d’Orgères menée par Beau François (on rapporte qu’il n’avait d’attirant que le surnom !). L’individu accompagné de ses comparses pillait les fermes et brûlait les pieds des fermiers pour découvrir leur magot ( le mot «chauffeur» provient de ces sordides forfaits !). Le château fut détruit sous l’Empire et aujourd’hui nous marchons sur des bordures de trottoirs faites avec les mêmes pavés !
Les neufs anciennes portes de la cité, dont seule subsiste la Porte au Vidame ont été matérialisées en 2013 avec leur nom inscrit au sol. C’est dans la Rue de l’Étroit degré que se situait la plus petite porte de la ville. Au Moyen âge la Rue des Changes était très active et arpentée par les nombreux pèlerins venant du monde entier pour se rendre à St-Jacques-de-Compostelle. On comptait plus de 32 changeurs de monnaie, assis sur des bancs faisant des transactions avec les visiteurs de passage. Non loin de là, la Rue aux Herbes était clairsemée de marchands de légumes et d’apothicaires qui vendaient des plantes médicinales plantées dans les jardins médiévaux.
La Porte des Changes était fermée la nuit et l’on ne pouvait pénétrer dans cette partie de la ville. Le Cloître de Notre-Dame, au sein duquel se trouve la cathédrale, restait essentiellement un lieu de culte. De petites boutiques étaient nichées dans les contreforts de la cathédrale et vendaient des souvenirs aux pèlerins. Jusqu’à la révolution, des guetteurs de feux faisaient leurs rondes sur le toit de l’édifice religieux car les nombreuses maisons à pans de bois favorisaient les incendies. Il faudra attendre la Loi de Sully qui instaurera le crépi sur les colombages pour protéger les maisons.
L’actuel musée des beaux arts de Chartres est installé dans l’ancien palais épiscopal. Une galerie de verdure qui existe encore permettait aux ecclésiastiques de se rendre directement et très confidentiellement à l’intérieur de la cathédrale.
Les jardins de l’ancien évêché surplombent la vallée de l’Eure.On peut y découvrir le très beau graphisme reproduit dans la verdure du labyrinthe se trouvant à l intérieur de la Cathédrale de Chartres. Il est dit que le parcours symbolique de ce dédale est associé à un chemin de rédemption ou encore à un voyage symbolique vers Jérusalem.
Avant de rejoindre en contrebas la partie basse qui longe la promenade des bords de l’Eure, je me suis attardée à la Collégiale St André où j’ai visité la surprenante exposition de sculptures de Fanny Ferré. Ici l’artiste s’est exercée à un travail sur l’équilibre de ses personnages fondus dans l’argile exprimant un questionnement à la fois sur l’exode et le devenir des hommes.
Une vision illuminée de 29 sites …….
La ville de Chartres fait partie du réseau international des villes lumières.
Cette année la 11 ème édition de Chartres en lumières présente à la nuit tombée jusqu’à une heure du matin, 29 sites dont la cathédrale Notre Dame classée au patrimoine de l’Unesco, la façade du musée des beaux arts et les jardins de l’évêché ainsi que ponts et lavoirs situés le long de l’ Eure. Il faut compter presque 2 heures pour faire une boucle complète de ce spectacle si on prend l’option de faire la visite à pied. Un parcours gratuit sur le petit Char’train est également proposé pour une durée de 45 minutes. D’année en année cette manifestation s’est enrichie de nouveaux sites et a été prolongée dans sa durée. Cette année 23 illuminations sont faites par un procédé numérique abandonnant les projections plus traditionnelles réalisées jusque là avec de la pellicule film. L’église Saint Aignant reste un bel exemple de cette scénographie fixe qui est remplacée progressivement. L’édifice est mis en valeur avec une projection frontale faisant découvrir l’intérieur du site. On y voit également des oeuvres de Soutine qui vécut dans la région, Degas et de manière générale un hommage à l’ensemble de la peinture du XIX ème siècle.
Dans les ruelles qui mènent à l’ancienne abbaye de St Père en Vallée (l’actuelle église st Pierre) j’ai pu découvrir un magnifique portrait projeté sur un mur de JEAN MOULIN, qui fut le résistant que l’on connaît mais aussi préfet de Chartres. Dans la nuit, ce portrait géant a la séduction d’un Cary Grant …
Mais revenons à des sujets plus sévères également mis en lumière: l’ abbaye de St Père fondée au VII ème siècle a revêtu des incrustations de pierres précieuses et des mosaïques byzantines et brille de mille feux se transformant en un immense reliquaire.
Fulbert en l’an 1000 s’intéressera à cette abbaye ou l’on enseignait la médecine et soignait les pèlerins. Il viendra à Chartres pour pratiquer la théologie et sera consacré évêque de la ville en l’an 1006.
On pourra découvrir également en partie basse de la ville le long de l’Eure, les nombreux lavoirs et ponts mis en lumière dont la très jolie scénographie d’Anne-Laure Coulibaly et Thierry Chenavaud « rêves de lavandière»au niveau du pont St Père .
Mapping sur la Cathédrale de Chartres …..
Il est impératif de s’arrêter devant l’ impressionnante projection sur le portail nord de la cathédrale, nous rappelant les polychromies d’origine de la façade. Au Moyen âge les statues et reliefs représentés jouaient le rôle de livre ouvert pour les populations alors illettrées pouvant ainsi « par le visible accéder à l’invisible».
Les scénographes bretons de SPECTACULAIRES ,ALLUMEURS D’IMAGES qui ont réalisé la mise en lumière de la cathédrale, sont au nombre de 17 et ont travaillé 7 mois d’affilée pour cette magnifique réalisation.Ils sont connus pour avoir conçu la mise en lumière des Invalides à Paris et la place Stanislas à Nancy.Leur particularité est l’utilisation de la couleur Or dans leur scénographie très difficile à gérer en matière de mise en lumière. Ils ont d’ abord redessiné l’édifice pour travailler ensuite sur ordinateur en y posant leurs images.Cette technologie multimédia consiste en une projection de visuels animés sur les façades. Cette technique de mapping donne lieu à un concours annuel à Chartres pour la 3 ème année consécutive Chartres Video Mapping Contest. Dix vidéos seront présélectionnées parmi des candidatures internationales et projetées sur la façade du théâtre de Chartres à l’occasion de la fête de la Lumière qui aura lieu le 20 Septembre prochain.
La crypte de la cathédrale à la bougie…
Tous les vendredis soir il est possible de faire une visite de la crypte de la cathédrale classée au 3ème rang européen après St Pierre de Rome et Canterbury. Un guide conférencier vous y interprètera quelques chants grégoriens à la lueur de la bougie et vous terminerez le parcours dans la nef de la cathédrale en petit comité. Cette animation est un préambule à la visite de la ville illuminée.
La Capitale du parfum…
Chartres a su également éveiller notre sens olfactif….
L’étymologie du mot parfum « per fume» par la fumée, nous relie directement à l’encens, considéré comme « l’escalier du ciel» en hébreu. On retrouve sur les vitraux de la cathédrale la représentation des huiles saintes et de la myrte, ancêtres religieux du parfum. Donner naissance au musée Esprit de Parfum faisant face à la cathédrale était donc une suite logique.C’est Christine Corbin, biologiste de formation ,qui sera votre guide conférencière dans le charmant petit musée. On pourra s’adonner à une expérience olfactive et ludique sous forme de quizz sensoriel pour y découvrir les 3 éléments de base constituant le parfum:la Tête( orange), le Coeur( bergamote) et le Fond(ambre).Des ateliers d’enfants,autour de la découverte des parfums, sont également proposés dans cet espace-musée..
Parmi l’incroyable collection de flacons initiée par les collectionneurs Anne et Jean Seris, on découvrira la récente égérie de Chartres, le parfum Autrica ( de l’ancien nom carnute de la ville « Autricum»).
Christine Corbin partagera avec vous ses nombreuses connaissances historiques du parfum nous apprenant , entre autres, que René Le Florentin fut non seulement le parfumeur attitré de Catherine de Médicis mais aussi un éminent empoisonneur !
Une véritable économie s’est développée autour du parfum et de la cosmétologie avec l’installation des usines GUERLAIN dans les années 70 à Chartres. Depuis d’autres créateurs se sont réunis sur le pôle de la COSMETIC VALLEY assurant une importante production nationale pour l’ industrie du luxe et de la beauté.
Une ville de curiosités….de Picassiette aux Fresques de Bel Air
La vie de Raymond Isidore
Je suis revenue sur les lieux où j’avais réalisé par le passé un clip vidéo pour Thomas Fersen: la maison Picassiette. Cet endroit étonnant est associé à l’art brut dans la même lignée que le Palais idéal du Facteur Cheval
Ici vécut Raymond Isidore, un homme simple ,cantonnier du cimetière de la rue du repos.
On dit qu’enfant ,atteint de cécité , sa mère l’avait emmené à la cathédrale de Chartres et qu’un miracle lui fit recouvrir la vue. C’est peut-être pour cela que de nombreuses représentations sous forme de mosaïques sont reconnaissables notamment sur son «mur de Chartres». À l’aide de multiples débris de vaisselle et de verre qu’il amassait, il construisit et décora intérieurs et extérieurs de sa maison avec de nombreuses mosaïques et fresques. Ce lieu incroyable a été acquis par la conservation du Musée de Chartres en 1981 et classé monument historique en 1983.
Les Fresques des immeubles Bel Air….
On poursuivra l’élan artistique atypique de Raymond Isidore par la visite de la cité Bel Air où 4000 mètres carrés de murs d’immeubles ont été recouverts de fresques monumentales en forme de trompes l’oeil reprenant diverses thématiques chères à ses occupants telles que les bords de l’Eure ou encore les maisons à pans de bois.
Guide pratique de Chartres en lumières
Visites guidées :
Chartres en lumières: 13 € par adulte – 6,50€ par enfant – gratuit pour les moins de 5 ans.
Chartres en lumières Privilège (incluant la crypte à la bougie)
15 € par adulte – 7,5 € par enfant – gratuit pour les moins de 5 ans
Toutes les infos sur les visites : http://www.chartresenlumieres.com/fr/2012-06-08-12-16-36.html#visites
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du mardi au samedi de 10h à 17 h.
Place de la cathédrale, 28000 Chartres
christine.corbin@ville-chartres.fr
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Collégiale St André
Exposition Fanny Ferré jusqu’au 28 Août
2 Rue St André
Tel:02 37 21 03 69
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Maison Picassiette
22 rue du Repos
Chartres
02 37 34 10 78
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où dormir
Chambres d’hôtes St Pierre city break
6 Rue des Béguines, 28000 Chartres
à partir de 90 euros pour deux incluant le petit déjeuner.
http://www.chartres-tourisme.com/saint-pierre-city-break
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se restaurer
à l’ombre du marché couvert
Le Petit Bistrot
12 Place Billard, Chartres
02 37 36 44 52
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Remerciements à l’Office de Tourisme de Chartres
Chartres est vraiment une ville magnifique ! Peu de personne pensent à s’y arrêter en revenant de vacances ou autres (surtout qu’on en a vite fait le tour), mais elle mérite vraiment le coup d’œil, ne serait-ce que quelques petites heures.
Mais surtout à 1h20 de Paris, c’est très simple pour aller y passer la journée et visiter tout ce que cette ville historique a à nous offrir…
Corinne