Jusqu’au 16 Septembre prochain, l’exposition 1925/1935 une décennie bouleversante est encore à découvrir au Musée des ducs de Wurtemberg de Montbéliard.
Jean Moral Séance de prise de vues sur le pont du paquebot Normandie pour Harper’s Bazaar, 1935/ Collection Nicéphore Niépce
Grâce au concours de Sylvain Besson, Directeur des Collections du musée Nicephore Niepce de Chalon-sur-Saône et de Delphine Desveaux, Directrice des Collections Roger-Viollet à Paris, tous deux commissaires de l’exposition, 180 tirages originaux et de nombreuses revues d’époque témoignent des bouleversements esthétiques de cette période de l’entre – deux – guerres.
Le nouveau rôle de la photographie
La photographie dans les années 1925/1935, grâce à l’explosion de nouvelles techniques de reproduction et de l’héliogravure, va largement concourir à la création de magazines tels que VU, VOILA ou encore L’ART VIVANT.
Voilà n°106, 1er avril 1933 Héliogravure Collection musée Nicéphore Niepce
En 1900 on compte pas moins de 200 quotidiens publiés. Les revues sont modernisées grâce à des mises en page novatrices et des typographies créatives ( Alexey Brodovitch redouble d’imagination pour le titre d’ Harper’s Bazaar).
Défilé de mode. Photographie de Gaston Paris (1903-1964)/ Collections Roger-Viollet/BHVP
Les images sont désormais assemblées sur des doubles pages et foisonnent avec l’arrivée en masse de photographes indépendants. Gaston Paris sera le seul photographe salarié de l’hebdomadaire VU fondé en 1928 par Lucien Vogel. La photo prime peu à peu sur le texte qui l’illustre et contribue à la revendication du droit d’auteur et à la revente des reportages. Les images sont retouchées et désormais signées par leur auteur, témoignant d’un monde renaissant et en pleine mutation. Le mouvement s’installe grâce aux clichés instantanés de Germaine Kull pour qui « le vrai photographe est le témoin de tous les jours, c’est désormais un reporter » …
L’Art vivant n°135 Germaine Krull, Eli Lotar 1er août 1930 Héliogravure Collection musée Nicéphore Niepce
L’artiste allemande aura plus de 280 photos parues dans le magazine VU et participera à de multiples illustrations photographiques pour des livres durant les années 30. Son travail sur le trafic automobile à Paris, les clochards, les halles ou encore les ouvrières de la capitale restera gravé dans la mémoire collective.
L’explosion de la Mode, des rallyes et des croisières
La photographie sera également le témoin de l’ivresse de la fête, de la fantaisie et de révolutions stylistiques dans la mode, la musique, le théâtre et la danse. La maison de couture de Paul Poiret vit ses dernières années de gloire notamment avec l’exposition universelle de 1937.
Boris Lipnitzki. Reportage de mode à bord du transatlantique Champlain. 1934. Collections Roger-Viollet/BHVP
Le couturier soutiendra le travail du photographe Boris Lipnitzki, ancien violoniste russe émigré en France. Avide de mondanités et grand séducteur, le photographe montera son studio à Paris et approchera les célébrités du moment, réalisant les portraits de Joséphine Baker, Charles Trénet ou encore du danseur et chorégraphe Serge Lifar, alors directeur de l’Opéra de Paris. Lipnitsky laissera entre 1923 et 1965 un fond photographique d’un million de négatifs. De son côté Jean Moral, fils d’un industriel du nord de la France, expérimentera de nouvelles techniques photographiques telles que la double exposition, les cadres en contreplongée et la solarisation des images. Il obtiendra un contrat exclusif de photographe de mode avec Harper’s Bazaar puis enchainera une carrière de reporter chez Paris Match produisant des clichés sur la Guerre d’Espagne.
Moral, sponsorisé par la marque Rolleiflex, immortalisera sa femme, Juliette Bastide, « sous toutes les coutures » pour diverses publicités et sera également connu pour ses reportages de mode sur les paquebots de croisière ainsi que les rallyes automobiles.
C’est la grande époque des concours d’élégance sur les plages et des spectacles dans les cabarets parisiens où la musique embrase les cœurs. Des liens s’établissent le monde du cinéma, de la couture et de la musique. On assiste à la grande effervescence des Années Folles jusqu’à la crise de 1929.
Jean Cocteau illustrera parfaitement la transversalité des genres notamment avec La Voix Humaine jouée à la Comédie Française, le tournage du Sang d’un poète en avril 1930 sur une composition de Georges Milton ou encore la représentation de Cantate sur un de ses textes avec la musique d’Igor Markevitch. Paul Poiret assurera la création des costumes dans l’Inhumaine de Marcel L’Herbier.
La Mutation du statut des femmes
C’est en travaillant dans les usines de munitions durant la Grande Guerre que les femmes pourront voir leur salaire doubler bien que celui ci reste 50% inférieur à celui des hommes.
En 1925 on assiste à la création de l’école polytechnique féminine et le rôle de la femme dans la société ne reste pas cantonné à l’image des « munitionnettes » de la première guerre.
Paul Poiret supprime les corsets et crée la première gaine, les femmes s’émancipent en portant le pantalon et en fumant la cigarette dans les lieux publics, un monde androgyne s’intercale. Mais cette révolution des moeurs n’est principalement accessible qu’à celles issues de milieux favorisés qui ont pour nom Tamara de Lempicka, Suzy Solidor, chanteuse de cabaret surnommée la Madonne de matelots, Nancy Cunard, militante pour l’égalité raciale ou encore Youki Desnos.
Histoire du château des ducs de Wurtemberg, lieu de l’exposition
Le château de Montbéliard a vu le jour sur un éperon rocheux au XIe siècle, dominant au nord la vallée de la Lizaine et au sud la vallée de l’Allan. Il sera la résidence de la famille de Wurtemberg jusqu’en 1793. Ce fut un haut lieu d’ouverture sur toute la cour européenne. Sophie Dorothée, fille du dernier duc de Montbéliard, épousera Paul Petrovitch en 1776, fils de Catherine II de Russie. Historiquement le château de Montbéliard fut le centre de gravitation de toutes sortes de diplomates et un important foyer protestant réputé en tant que terre d’accueil et d’immigration.
Proche de l’Allemagne, Montbéliard envoyait ses jeunes étudier à Stuttgart, par ailleurs le duc de Wurtemberg, chef de l’église, accordait des bourses aux jeunes du pays de Montbéliard désireux d’être pasteurs. C’est Heinrich Schickhardt qui fut l’architecte désigné à la construction en 1601 du temple St Martin, un des édifices les plus anciens pour le culte de la Réforme.
Montbéliard a été une importante voie de passage vers la Germanie et la Bourgogne au Moyen âge et fut rattaché à la France en 1793.
De nos jours on peut emprunter le fameux itinéraire européen Heinrich Schickhardt reliant Montbéliard à Stuttgart et traversant la forêt noire de Bavière. La moitié du territoire est aujourd’hui couvert de forêts. La région de Montbéliard est réputée en tant que pays d’art et d’histoire et constitue une importante communauté d’agglomération.
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Exposition 1925-1935, une décennie bouleversante. La photographie au service de la modernité.
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